--NEWSLETTUX--

La Gazette du GAM
N° 84 - mai 2015

En mémoire des déportés

LE VERFÜGBAR AUX ENFERS

Opérette-revue

de

Germaine Tillon


e Verfügbar aux Enfers est une opérette-revue écrite clandestinement au camp de concentration de Ravensbrück par la résistante et ethnologue française Germaine Tillion au cours de l'hiver 1944-1945. Si Germaine Tillion en fut le maître d'œuvre, il s'agit d'un travail commun élaboré par les prisonnières du camp de Ravesnbrück.

L'œuvre a été créée au Théâtre du Châtelet (Paris) les 2 et 3 juin 2007 pour célébrer le centenaire de Germaine Tillion, qui était alors encore en vie (elle est morte en 2008)


Spectacle présenté par les élèves de la Cité Scolaire Chopin et du collège d'Essey-les-Nancy (chorales et option théâtre)
Ensemble orchestral GRADUS AD MUSICAM & étudiants du CEFEDEM

Mardi 19 mai 2015 à 20h30
Grands Salons de l'Hôtel de Ville,
Place Stanislas, Nancy

Entrée : 10€ (normal), gratuit - 16 ans



Ravensbrück


avensbrück était un camp réservé aux femmes, femmes communistes, femmes résistantes, femmes tsiganes, femmes allemandes, les fameuses hontes de la nation et d’autres encore que les nazis avaient décidé d’exterminer et qu’ils désignaient d’un seul terme : Verfügbar, mot à mot « une à tout faire. Une disponible », une esclave. Pendant l’Occupation, Germaine Tillion une ethnologue, s’engage dans le réseau de résistance du Musée de l’Homme. Dénoncée, elle est arrêtée gare de Lyon. En 1943, à 35 ans, elle est déportée à Ravensbrück où elle retrouvera sa mère.

Photo de Malissin Pierre-Emmanuel (surnom Quark) et de Valdes Frédéric - http://www.galerie.roi-president.com/

C’est là que, pour survivre et distraire ses compagnes, elle écrit en cachette l’opérette-revue « Le Verfügbar aux Enfers », vision distanciée, ironique et humoristique de la situation de ces femmes déportées. Imaginez le courage qu’il faut pour trouver du papier, se cacher pour écrire, trouver le temps pour écrire. Et surtout, malgré une fatigue extrême, due aux privations, avoir l’idée de génie de prendre comme sujet principal de la pièce, non pas une déportée, mais un insecte inconnu, une espèce animale nouvelle un Verfügbar qu’un scientifique, va examiner sous nos yeux pendant toute la durée du spectacle. Dans ce spectacle, il n’est pas question de causes, d’intentions, d’explications, pas d’apitoiements sur une vie épouvantable, mais cette idée de génie qui déclenche un comique de situation qui s’apparente à l’intuition de l’absurde. Une satire, une satire avec musique, pour faire rire et transmettre l’information. Cette opérette est longtemps restée dans les cartons de Germaine Tillion, qui craignait qu’elle ne soit pas bien comprise.


http://www.lemonde.fr/culture/article/2007/05/29/le-siecle-de-germaine-tillion_916287_3246.html


Dans « Ravensbrück », Germaine Tillon écrit :

« Si j’ai survécu, je le dois d’abord et à coup sûr au hasard, ensuite à la colère, à la volonté de dévoiler ces crimes et, enfin, à une coalition de l’amitié, car j’avais perdu le désir viscéral de vivre. »




Germaine TILLION


ermaine TILLION (1907-2008) est d’abord une ethnologue de premier plan, qui a étudié l’univers concentrationnaire, mais aussi la société coloniale et le sort des femmes en Algérie.

Elle travaille comme ethnologue dans le sud algérien entre 1934 et 1940. Elle y effectue plusieurs missions, pour le CNRS entre autres, et étudie la tribu berbère des Chaouis.

A peine rentrée à Paris en juin 40, elle assiste à la débâcle puis à l’armistice et oppose d’emblée un refus catégorique au discours de Pétain (17 juin 1940). Elle s’engage dans la Résistance. Arrêtée en août 42, elle est incarcérée puis déportée à Ravensbrück en octobre 1943, dans la catégorie NN  (Nacht und Nebel = Nuit et Brouillard, groupe de prisonnières considérées comme dangereuses, devant rester à tout moment à la disposition de la Gestapo, qui pouvait recevoir l’ordre de les faire disparaître. Mesure de terreur imaginée par Hitler pour que la Résistance ne puisse honorer ses héros, perdus corps et biens).

Pierre CHOLLEY

Elle est aussi dans la catégorie des « Verfügbar » : prisonnières sans affectation précise, de l’allemand verfügbar = disponible… pour des travaux occasionnels. C’était en général des rebelles qui avaient décidé de ne pas travailler pour l’ennemi. Non comptées dans l’effectif des commandos, équipes de travaux forcés, après l’appel du matin, les Verfügbar s’efforcent de se cacher pour échapper aux corvées. Se cacher au Revier, par exemple, infirmerie-mouroir.

Germaine Tillion utilise ce temps : elle mobilise toutes ses connaissances et capacités pour comprendre et analyser le monde qui l’entoure. En mars 1944, elle fait une conférence clandestine pour quelques unes des déportées françaises ; elle leur parle de la préhistoire, des tribus algériennes rencontrées …et elle écrit « Le Verfügbar aux Enfers ». Cachée au fond d’une caisse d’emballage pendant que ses camarades de commando travaillent au déchargement des trains, elle enchaîne les vers de son opérette - revue.

Grâce à ses camarades, début 1945, elle échappe à un transport vers le camp de Mathausen, où a été créée une chambre à gaz lorsque la politique d’extermination est devenue systématique.

Fin avril 45, dans le cadre de négociations entre Himmler et la diplomatie suédoise, elle fait partie d’un groupe de prisonnières évacuées par la Croix Rouge suédoise. C’est une amie, Jacqueline d’Alincourt, qui sort en cachette le petit livre écrit à la main, avant de le remettre à Germaine Tillion.

 

Elle a poursuivi une vie d’étude et de combat. Elle est décédée en 2008.



Le Verfügbar aux Enfers,

une œuvre de Résistance 


ermaine TILLION a imaginé le personnage du Naturaliste conférencier, sorte d’entomologiste venu examiner une espèce animale nouvelle : le Verfügbar . Ce faux savant se livre à une description minutieuse de son apparence et comportement. Nouveau Pangloss, suffisant et content de lui, il ne s’interroge jamais sur les causes et objectifs de l’univers du camp et s’engage dans des dialogues cocasses avec les détenues (Nénette, Marmotte, Lulu de Belleville, Dédé d’Anvers…) sous les commentaires du double Chœur (chœur des jeunes et chœur des vieux Verfügbar). Totalement en décalage avec l’horreur de la réalité sous-jacente, il est à l’origine d’un comique de situation très présent dans la première partie de l’opérette (Acte 1 : Printemps 16 numéros musicaux). Mais l’étau se resserre et la structure en entonnoir souligne le tragique grandissant ( Acte 2 : Eté 8 numéros ; Acte III : Hiver 4 numéros).

La résistance par l’information
L’œuvre fourmille d’informations sur le camp : l’horreur des transports, l’extermination par les travaux forcés (terrassement, tri des vêtements…) et les déplorables conditions de vie (la faim, les maladies…), la résistance par le sabotage, les différents visages de la mort ( les transports noirs ou assassinats hors du camp, la piqûre définitive à l’infirmerie, les violences d’une détenue chef…)
L’auteur révèle notamment  l’inégalité de la société concentrationnaire  et défilent différentes catégories de détenues : le misérable Verfügbar sous-prolétaire du camp parce qu’il refuse de travailler ; les Cartes roses prisonnières âgées ou infirmes, tricoteuses dispensées des travaux forcés, premier tri menant tôt au tard à la sélection ; les Julots, détenues « asociales » et brutales qui affichent leur homosexualité et en tirent profit ; les Blokova, chefs de block violentes et tyranniques qui avaient droit de vie et de mort sur les prisonnières…
Claire Andrieu, professeur d’histoire contemporaine à l’Institut d’études politiques de Paris, estime que l’œuvre de Germaine Tillion s’inscrit pleinement dans une approche de l’histoire par le quotidien. Son regard d’ethnologue lui a permis de reconstituer l’univers concentrationnaire à travers une foule de petites notations.


La Résistance par le rire et l’autodérision

Le choix du registre comique donne une force incroyable à l’œuvre. Nous sommes tout près de l’ironie voltairienne. Par exemple à Nénette nouvelle venue, qui pense que la carte rose donne droit à un transport vers un camp modèle, « avec tout confort, eau, gaz, électricité » le chœur répond « Gaz surtout ». Sur l’air d’Au clair de la lune, il se lamente en évoquant la déchéance physique du corps féminin:
 « Notre sex-appeal
    Etait réputé…
    Aujourd’hui sa pile
    Est bien déchargée »
.
La langue riche en références classiques et littéraires se mêle à des propos évoquant le quotidien le plus trivial. Le titre de l’opérette annonce  un pastiche de l’Orphée aux Enfers d’Offenbach .Sur le Grand air d’Orphée « J’ai perdu mon Eurydice », Marmotte pleure la perte de son Innendiest (billet qui reconnaissait à une malade le droit de rester au Block). Et sur une chanson d’amour interprétée par Tino Rossi, au rythme de tango, Rosine attend le cri annonçant la fin du travail :
«A  chaque bruit mon cœur bat
   ça ne schloussera donc pas ».


Le mélange des registres et le jeu du rapport texte / musique refuse le pathétique : on rit en ayant envie de pleurer. Etre capable de rire de soi-même, envers et contre tout, est une manière de lutter contre le désespoir.

C’est aussi une ultime revanche de l’esprit sur la brutalité et la barbarie.



PROCHAINS CONCERTS

Musique irlandaise

 

  Comme chaque année, le GAM propose un voyage en Europe. Après l’Espagne l’an passé, c’est au tour de l’Irlande d’être visitée, avec notamment la complicité du trio « L’échappée Belle ». Allant bien au-delà de ce fabuleux patrimoine de la musique irlandaise, le programme s’articule certes autour de la musique traditionnelle, tels les reels, jigs et slow airs, mais aussi de compositions originales. Un très bon moment à passer !

 

Trio « L’échappée belle »

Orchestre Symphonique GRADUS AD MUSICAM

Direction : François LEGÉE

Samedi 6 juin 2015 à 20h30
Salle des Fêtes de Vandœuvre-lès-Nancy

 


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